LeRouge&leBlanc n°143

Review

N° 143
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  • Domaine Arthur Bohn (Alsace)
52 pages
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Kafka au ministère de l’Agriculture 

L’accession du pinot noir au statut de Grand Cru, cet événement que l’Alsace attend depuis plus de dix ans, a bien failli ne jamais avoir lieu. Après une longue procédure, les Grands Crus Hengst et Kirchberg de Barr avaient réussi à obtenir la validation de leur dossier auprès de l’Inao. Ouf ! Les vignerons se réjouissaient, peut-être un peu trop tôt, de leur victoire, soulagés de laisser derrière eux toutes les péripéties administratives qui avaient émaillé le dossier. Celui-ci n’avait plus qu’à être présenté au ministère de l’Agriculture pour homologation. Une formalité, pensaient-ils. Et là, surprise de dernière minute : le cabinet du ministre tique sur une phrase mentionnant la valorisation économique des nouveaux crus et refuse de soumettre le document à la signature ministérielle.

Comment expliquer ce refus alors que, pour valider une demande d’A.O.C., l’Inao impose la démonstration d’une valorisation économique des vins concernés ? Tout simplement parce que, selon les agents du ministère chargés du dossier, cette “homogénéisation” des tarifs aurait pu s’apparenter à une entente illicite sur les prix et éventuellement déplaire à la D.G.C.C.R.F. (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes). La crainte inspirée par “les Fraudes” étant la plus forte, le ministère refusa le dossier. Les vignerons se retrouvaient donc face à une impasse administrative. Ce qui interpelle dans cette opposition est, d’une part, qu’elle va à l’encontre de l’une des principales missions pour laquelle l’Inao et les O.D.G. (Organisme de Défense et de Gestion des appellations) sont mandatés : la valorisation des crus ! Et d’autre part, que cette valorisation n’a jamais constitué un obstacle pour l’homologation des précédents dossiers. Et pour cause, la valorisation est intrinsèquement liée à la notion même d’A.O.C.

Cette situation complétement ubuesque a heureusement trouvé une issue favorable grâce à l’intervention de l’A.V.A. (Association des Viticulteurs d’Alsace) et du C.R.I.N.A.O. (le Comité Régional de l’INAO). Ces derniers sont parvenus à convaincre les fonctionnaires du ministère que leurs craintes étaient infondées et qu’il ne s’agissait pas d’une entente commerciale sur les prix. Re ouf ! On se demande néanmoins ce qui serait arrivé si le ministère n’avait pas changé de position. Pareil entêtement aurait signé tout simplement la remise en cause d’une des fonctions principales de l’Inao et des O.D.G., et créé un véritable imbroglio administratif pour les futures demandes de modifications des cahiers des charges ou de nouvelles appellations. On est souvent en droit de reprocher à l’Inao sa lenteur à traiter les dossiers, sa réticence à faire évoluer les appellations ou son refus de répondre à certaines aspirations de la société en matière d’environnement. Mais cet incident démontre qu’il n’est pas la seule institution à générer blocages et impasses administratives. En revanche, il constitue un chiffon rouge agité commodément pour détourner le regard des autres institutions qui détiennent en réalité la décision finale sur de nombreux dossiers. Le mille-feuille administratif français compte malheureusement plus d’une page à réécrire, sans attendre les calendes grecques.