LeRouge&leBlanc n°157

Review

N° 157
€17.00
€13.00

La Champagne et la craie, les liaisons mystérieuses

Costière de Nîmes, un vent se lève

La Champagne et la craie, les liaisons mystérieuses

Journal de vigne : échouer encore, échouer mieux

À la rencontre de Fabien Jouves, Mas del Périé (Cahors)

Dossier : la complantation, retour vers le futur ? 

Domaine Éric Sage (IGP Val de Loire-Vendée)
Domaine Les Grandes Vignes (Anjou)

52 pages
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Petit, c’est mieux ? 

Lors de notre enquête sur le succès des vins du Jura (R&B n°139 de décembre 2020), nous avions rencontré Stéphane Tissot, un des pionniers de la région sur le chemin de la qualité et de la notoriété. Quand nous lui avions demandé son avis sur la percée d’un nombre toujours croissant de domaines “nature” dans le Jura, cette boule d’énergie qui travaille plus de cinquante hectares nous avait répondu : « Évidemment, small is more beautifull » (petit c’est mieux-NDLR). Il s’agaçait ainsi (gentiment) de la consécration instantanée sur les réseaux sociaux de vignerons ayant souvent vinifié à peine deux ou trois hectares sur deux ou trois millésimes.  

Il est en effet tentant, et presque romantique, de penser que seuls les vignerons “artisanaux”, soignant leurs petits domaines comme un jardin et accompagnant méticuleusement leurs quelques barriques en élevage, parviendraient à produire de grands vins vivants et vibrants, générateurs de belles émotions. Séduisant de se convaincre de l’impossibilité d’atteindre ce graal par les vastes domaines (trop ?) structurés. À eux le grand ordinaire, aux “petits” le nectar ! 

Pourtant cette vision manichéenne et simpliste est mise à mal dans ce numéro où nous consacrons deux articles à des domaines vinifiant respectivement 55 ha (Les Grandes Vignes) et un peu plus de 40 ha (Mas del Périé de Fabien Jouves, avec son négoce commercialisé sous son nom). Peut-on prétendre pour autant que leurs vins procurent moins d’émotions que ceux de petits producteurs très artisanaux ? Le ressenti de nos dégustations dit, au contraire, que ces bouteilles offrent des jus totalement “vivants” et, qu’à l’aveugle, dégustées en compagnie de vins “artisanaux”, l’immense majorité des amateurs (même très “pointus”) seraient incapables de les hiérarchiser sur la base de critères émotionnels… 

Ce constat ne devrait d’ailleurs pas nous surprendre car, Les Grandes Vignes, comme Mas del Périé, travaillent avec les mêmes exigences que ces fameux “petits” domaines producteurs des vins “Licornes” pistés sur Instagram : vignes travaillées en biodynamie depuis longtemps (certifié en 2010 pour Les Grandes Vignes, 2014 pour Mas del Périé) et vins vinifiés sans soufre, et pas pour suivre récemment une mode : depuis 2011 en grande partie et totalement depuis 2017 pour Mas del Périé et partiellement depuis 2006 pour Les Grandes Vignes, totalement depuis 2011. Des pratiques qui ne sont pas réservées à quelques cuvées de prestige, mais qui concernent l’ensemble de la gamme, y compris des vins vendus parfois autour de 15 €. Or, ce sont ces pratiques qui importent et non la dimension des vignobles ou le volume des cuvées. 

Il ne faut pas oublier non plus que la mise en avant systématique des “petits” vignerons aux cuvées forcément rares encourage et entretient la spéculation, certaines de ces bouteilles atteignant parfois sur le marché gris des sommets qui ridiculisent ceux qui les achètent. Mépriser ces grands domaines vertueux constitue donc une double erreur : gustative et… financière. 

LeRouge&leBlanc