Vignobles de France
Un vent de piraterie souffle sur Bordeaux
Bordeaux
Ensemble, ils ont créé en septembre 2022 l’Union des Vignerons de Bordeaux Pirates avec l’idée de démontrer qu’il est possible d’innover, de proposer des cuvées originales et d’être davantage en adéquation avec les attentes des amateurs. L’association se veut inclusive et ouvre ses portes à tout type de structures désireuses de s’engager dans cette nouvelle démarche et répondant à un ensemble de critères définis par la charte des « vins pirates ». Jean-Baptiste Duquesne insiste sur « l’exigence d’une originalité et d’une qualité irréprochables de vins qui se démarquent de l’image guindée souvent associée aux vins de Bordeaux. »
Les candidats à l’adhésion doivent être certifiés en bio ou en conversion et privilégier les circuits cavistes, restaurants ou épiceries. La labellisation « pirate » ne concerne pas les domaines mais uniquement les cuvées présentées et approuvées par le jury de l’association. Ce dernier est composé de douze membres professionnels ou amateurs qui dégustent les vins en « semi-aveugle ». Les bouteilles sont anonymisées mais un texte de présentation indique l’intention du vigneron ou le caractère innovant de la cuvée. Les vins sont évalués avec une grille de notation comprenant deux critères : l’originalité (valable pour un tiers de la note finale) et la qualité organoleptique (valable pour les deux tiers de la note finale).
Une fois validée, la cuvée « pirate » ne peut pas être commercialisée dans le réseau de la grande distribution et les domaines doivent la soumettre chaque année à l’approbation du jury pour conserver la labellisation. De son côté, l’association se donne pour mission de promouvoir les vins pirates et de mettre en valeur les producteurs adhérant à sa démarche.
Deux logos peuvent être apposés sur les étiquettes :
Les cuvées des appellations contenant le mot bordeaux comme l’A.O.C. bordeaux supérieur afficheront le logo « bordeaux pirate ». Les autres devront faire figurer celui de « cuvée pirate » afin de respecter les restrictions législatives protégeant les dénominations des appellations d’origine.
Dans l’ensemble, les vins « pirates » répondent sans difficulté au critère d’originalité en se démarquant des normes habituelles de Bordeaux, par la vinification, l’élevage ou les cépages. Ainsi certaines cuvées se caractérisent par leur absence de soufre et d’intrants tandis que d’autres misent sur des techniques de vinification singulières comme les macérations prolongées ou l’élaboration de blanc de noir. D’autres encore utilisent des contenants peu courants dans le vignoble (amphores, œufs, cuves en béton…), réinvestissent les cépages bordelais oubliés, parfois préphylloxeriques, tels que le mancin, le saint-macaire, le jurançon noir, le castets et le bouchalès. Enfin, plusieurs domaines font le pari des cépages résistants (R&B 144) ou de variétés exogènes comme la syrah.
En revanche, malgré quelques cuvées intéressantes, il nous semble que les critères qualitatifs devraient être revus à la hausse et qu’il existe une réelle marge de progression dans la sélection des cuvées labellisées. Le niveau global reste très inégal, en particulier pour les blancs. Lors de notre dégustation, ces derniers ont été peu nombreux à obtenir une note égale ou supérieure à 13/20. Nous sommes conscients de la jeunesse de l’association et de sa volonté d’attirer le plus grand nombre de producteurs mais cette ouverture ne doit pas se faire aux dépens du contenu de la bouteille. La remise en cause annuelle de la labellisation de chaque vin nous semble être l’occasion d’élever le niveau qualitatif de l’ensemble des cuvées labellisées lors des prochaines éditions. La reconquête des consommateurs ne sera possible qu’au prix d’une sélection plus sévère, en adéquation avec le discours porté par les créateurs de l’association.
Si l’Union des Vignerons de Bordeaux Pirates parvient à effectuer ce nivellement par le haut et à consolider sa réputation, elle pourrait bien devenir un moteur pour les appellations génériques et moins prestigieuses. En effet, montrer que Bordeaux, loin d’être figé dans une image ringarde, peut, au contraire, se révéler dynamique, original et intégrer une viticulture éco-responsable, nous semble constituer un bon atout auprès des amateurs mais aussi des prescripteurs. C’est dans cet esprit que nous lui souhaitons « bon vent ! ».
Dégustation
Les leçons de la dégustation
LeRouge&leBanc a dégusté une trentaine d’échantillons à l’aveugle lors de deux séances en mars 2023.
Outre une qualité plus disparate et un niveau global inférieur aux rouges, les vins blancs nous ont semblé conserver un certain classicisme bordelais. Les quelques bouteilles retenues restent dans un registre plutôt simple et accessible.
Malgré une qualité hétérogène, les vins rouges nous ont semblé plus intéressants. Les cuvées présentées dans le millésime 2021 ont été plus difficiles à déguster, l’année ayant renforcé la présence de tannins pas encore intégrés mais également des amertumes plus marquées. En revanche, nous avons connu quelques jolies surprises avec les vins élaborés avec le malbec, seul ou en assemblage.
Bulles
2020
Château Cazebonne
Vin de France
Bul'bonne
13/20
Cuvée parcellaire de Sauvignon
Expressif et fumé, le nez évolue vers des arômes de beurre, de poire et d’ananas. Malgré une bulle un peu grossière, le vin s’exprime avec une belle acidité et une finale légèrement amère. Une bulle assez classique.
Blanc
2021
Château Boutinet
IGP Atlantique
Jeriko de Boutinet
13/20
Sémillon, Sauvignon Gris, Chardonnay et Chenin Blanc, élevé en amphore.
Nez, expressif, floral et acidulé. Malgré un manque de chair apparent, la bouche reste fraîche, plaisante et facile.
2020
Domaine de la Renouée
Vin de france
513 Sem
14/20
513 bouteilles tirées d'une seule barrique de sémillon.
Légèrement oxydatif, le nez déploie des arômes de macération : agrumes confits, zestes d’oranges séchés et pâtes de fruits. Belle acidité fraîche en attaque, de la mâche, de la matière avec une fine structure tannique. Malgré un côté un peu caricatural de la macération, un jus plutôt bien élaboré dans ce style de vin.
Rouge
2021
Vignobles Mauro Guicheney
AOC Bordeaux
Dans l'instant
13,5/20
100% merlot élevé en cuve inox et en jarre.
Nez frais, plein et expressif, assez classique. Matière pleine, gourmande et des tanins légèrement accrocheurs. Légère sècheresse en finale.
Clos du Notaire
AOC Côte de Bourg
L'usufruit
13,5/20
100% merlot élevé en cuve inox.
Nez original de résine, d’encre et de graphite. Un peu fougueuse, la bouche est juteuse et sanguine. De la tension et du fruit. Malgré des tannins encore un peu pointus et une légère sécheresse en finale, un jus facile à placer à table.
Château La Peyre
Vin de France
La Clandestine
13/20 (Noté de 11 note isolée, à 14)
100% Syrah, élevage en fut bourguignon et en amphore de terre cuite.
Réduction. Nez rustique et un peu végétal. Un vin qui divise le comité. Certains considèrent ce vin comme manquant de charme, strict et astringent. Alors que la fermeté des tannins n’atténue pas l’expressivité du fruit, pour les autres dégustateurs.
2020
Ducourt Vins Bio
Vin de France
Métissage rouge
13/20 (noté de 12 à 15, note isolée)
100% cabernet jura.
Surprenant et original, le nez évoque un parfum, les fruits noirs et la rose. La bouche, très aromatique est un peu déroutante. Les tannins sont assez lisses, la matière sphérique et légèrement encombrante. Si certains trouve que le jus manque de caractère, d’autres trouvent son originalité amusante.
Vignobles Bergon
AOC Côte de Bourg
M de Côts
14/20 (noté de 12 à 15)
100% Malbec
Fruité et assez naturel, le nez s’ouvre sur la cerise mûre, la confiture de mûre et une pointe fumée. La bouche est juteuse, fraîche et croquante. La matière est à la fois pleine et dynamique. Maturité juste et tanins intégrés. Une minorité d’entre nous lui reproche un manque de personnalité et une matière un peu extraite tandis que la majorité estime qu’il s’agit d’une jolie bouteille.
Château Chillac
AOC Bordeaux
La cuvée de nos pères
14/20 (noté de 11 à 16, notes isolées)
50% Cabernet Sauvignon et 50% Malbec, sans sulfites ajoutés.
Nez vivant, libre et avenant. Notes d’épices douces, de menthol et de groseilles bien mûres. Seul un dégustateur évoque la présence possible de phénols. Une bouteille commentée différemment selon les dégustateurs. Deux d’entre eux lui reprochent son manque de précision. D’autres apprécient le côté joyeux et facile à boire dans un registre simple. Enfin, deux autres ont été enthousiasmés par le dynamisme, la matière sans excès et la sapidité de ce vin.
2019
Château Tour Calon Lateyron
AOC Montagne Saint Emilion
Château Tour Calon Nature
14,5/20 (noté de 12 à 16, notes isolées)
50% vieilles vignes de merlot et 50% de jeunes vignes de malbec, pas de collage, pas de filtration.
Nez expressif et complexe de notes torréfiées, d’épices, de cassis, de graphite et de zan. Léger gaz. Jolie bouche ronde, dense et juteuse aux accents italiens. Bel équilibre entre matière et tension. Finale fumée et cacaotée. Du potentiel. La grande majorité trouve cette cuvée plutôt réussie, seul un dégustateur évoque une âpreté gênante.
2017
Chastelet
IGP Atlantique
Amphores
13/20
Nez assez mûr de fruits rouges et noirs, de réglisse et de graphite. La matière est un peu trop extraite, les tanins sont encore saillants mais en partie intégrés. La bouche reste néanmoins digeste. Ce vin sera plus à l’aise à table.
2012
Vignobles Despagne Rapin
AOC Montagne-St-Émilion
Maison Blanche nature
13/20 (noté de 11 note isolée, à 14)
Vieilles vignes de 50% cabernet franc et 50% merlot, élevage de 15 mois dans des fûts, de neufs à 3 vins.
Notes d’évolution : pruneau, figue et tabac. La bouche est sapide avec une assez belle maturité. Notes de quinquina en finale. Une partie des dégustateurs a néanmoins été gênée par l’astringence et la sécheresse en finale.
Rosé
2022
Vignobles Chaigne et Fils
Vin de France
Le Bonbon de Lestang
13,5/20 (noté de 10 à 16, note isolées)
Rosé moelleux, 100% Malbec avec 45g/l de sucres résiduels.
Thé noir, café et baies sauvages. Jolie construction portée par l’acidité. Légère réduction. Matière fluide et buvabilité. Néanmoins certains dégustateurs ont été gênés par une certaine sécheresse en finale.