La revue

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N° 155
17 €
13 €

Sancerre rouge, retour aux sources ?

Les rouges de Sancerre, retour aux sources 

Saint-Peray prend de la hauteur

À la rencontre de Nicolas Grosbois

Journal des vignes : ventes en panne...

Dossier : le monde mystérieux des levures

  • Bodega Recaredo (Penedès)
  • Domaine Mayard (Châteauneuf-du-Pape)
52 pages
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Extrait de la revue

Vin pour tous, tous pour vin !

Cette fois, nous y sommes. Rampante depuis plusieurs années comme un sournois feu de tourbière, la crise du vin flambe désormais au grand jour. Né de la combinaison d’un décalage entre la grande majorité de la production française avec les attentes des consommateurs, d’accidents climatiques de plus en plus fréquents et imprévisibles, et d’aléas économico-politiques en cascade, le phénomène tourne à la catastrophe : les stocks invendus débordent, les coûts flambent, les rendements chutent, les ventes s’effondrent. La ruine menace.

Longtemps, certains professionnels vertueux ont cru que leur vertu les protègerait, que le désastre ne concernerait que les vils “faiseurs” : vignerons sales-chimistes, coopés “je-m’en-foutistes”, négociants arrivistes ; bref : les fabricants de jaja débité en linéaires de grande diffusion. Mais cette illusion se dissipe lentement : non, les pratiques “bio” ou même biodynamistes que nous défendons sans réserve ne garantissent malheureusement ni la bonne santé des vignes devant l’assaut des maladies ni celle des vins face aux déviances ni celle des finances face à l’effondrement de la consommation.

Alors ? Tout et presque tous vont mal. Le pire est-il pour autant inévitable ? Non, mais il ne faut se tromper ni de moyens ni de cibles.

Une fois la stupeur passée, il faut agir, car agir est encore possible, mais il faut aussi se garder des deux imposteurs majeurs qui guettent le monde du vin : la division, qui génère les guerres de chapelles et de partis (Cf. le monde politique) et le recroquevillement sur soi-même qui prône l’immobilisme au nom de la “tradition”. En période de danger, tous les animaux humains ont tendance à chercher des boucs émissaires et à se réfugier dans les plis des croyances archaïques. Les vignerons n’échappent pas à cette règle. Le bouc-émissaire du “naturiste” est l’adepte du tout chimie, destructeur de sols et de flore ; le bouc-émissaire du “chimiste”, c’est le “naturiste” propagateur de maladies. Quant aux chantres de la tradition, c’est bien simple, pour eux il ne faut rien changer, ni cépages ni modes de cultures ni méthodes de vinification sous peine d’encourir une déqualification des appellations sacro-saintes pour cause de trahison des dogmes.

Or trois articles de cette édition du R&B nous apportent un peu de lumière en ces temps obscurantistes. Le premier traite des levures. Nous avons interrogé un des grands spécialistes français de la matière, technicien et rationnel jusqu’au bout des pipettes, ami de certains “naturistes” mais adepte de la science la plus rigoureuse. Puis nous avons soumis ses propos sur la vinification à d’autres techniciens, plus proches du courant “nature”, pour susciter un autre son de cloches. Or nous avons eu la (bonne) surprise de constater que les convergences de pensée étaient plus importantes que les divergences. Il y a clairement moyen de s’entendre sur la manière de faire du vin et du bon.

Les deux autres articles mettent en lumière deux appellations, Sancerre et Saint-Péray, qui illustrent la capacité d’adaptation des vignes et des vignerons en fonction des circonstances climatiques ou commerciales. Certains de nos lecteurs seront peut-être étonnés d’apprendre qu’au XIXe siècle Sancerre était surtout connue pour ses rouges, et Saint-Péray pour ses effervescents. Ces deux vignobles et leurs vignerons ont changé leurs ceps et leurs méthodes et se sont adaptés aux inévitables fluctuations du marché et du climat. L’histoire du vin est d’ailleurs riche de nombreux exemples de crises qui, certes, ont fait de nombreuses victimes, mais ont fini par être surmontées grâce à la ténacité et la solidarité du monde viticole : la crise du phylloxéra à la fin du XIXe siècle en est certainement l’exemple le plus frappant.

Oui, le vin va mal mais tout n’est pas perdu, à condition d’y mettre du sien … et un peu de celui des autres. À commencer par nous autres amateurs-buveurs : baisser les bras, ce serait bientôt ne plus pouvoir lever le coude. Alors : Vin pour tous et tous pour vin !

 

LE ROUGE & LE BLANC