Vignobles étrangers

L’autre Portugal du vin

Panorama de la vallée du Douro D.R.
PORTUGAL

Le Portugal a une longue tradition vinicole et il exporte depuis longtemps ses vins. Mais seuls le porto et le madère bénéficient d’une réelle notoriété internationale. Tout un pan de la richesse vinicole portugaise est presque totalement ignoré.

La France se contente souvent d’importer majoritairement des portos et des madères bas de gamme, vendus en grande surface. Or, le Portugal ne se résume pas aux seuls vins mutés aussi intéressants puissent-ils être lorsqu’ils sont qualitatifs. Heureusement quelques importateurs et cavistes passionnés œuvrent à mieux faire connaître le vignoble portugais et à mettre en valeur des vignerons artisans qui travaillent au plus près de leur terroir.

Constatant que la plupart des vins lusitaniens que nous appréciions étaient importés par Tiago Barbosa, nous lui avons demandé d’organiser une dégustation dans nos locaux parisiens pour approfondir nos connaissances sur la production portugaise. La sélection concernait exclusivement des cuvées non fortifiées.

De l’océan aux terres arides

Panorama de Loriga dans la Serra da Estrela de l'appellation Dão D. R.

Situé aux limites sud-ouest de l’Europe, le Portugal est largement tourné vers l’océan Atlantique. Son territoire prend la forme d’un rectangle de 560km de haut du nord au sud et de 160km de largeur d’est en ouest. Bordé à l’ouest par l’Océan Atlantique, il n’a pour seul voisin terrestre que l’Espagne avec laquelle il partage, au nord et à l’est, une frontière longue de 1215 km. Il est parcouru d’est en ouest par deux fleuves importants qui ont leurs sources en Espagne : le Douro, au nord, qui traverse Porto, et le Tage, au sud, qui baigne Lisbonne.

Bien qu’il soit six fois plus petit que la France, ce pays est le site d’une grande diversité de paysages et d’importantes variations climatiques. Du nord, plus tempéré, au sud, plus chaud, les températures augmentent alors que diminuent les précipitations jusqu’à l’aridité. D’ouest en est le climat passe d’une dominante très océanique à une autre, plus continentale, marquée par des hivers rigoureux.

Les sols du socle ancien composé de schistes, de granites et de quartzites se retrouvent dans une large partie du Portugal. Ils forment à l’est du pays de vastes plateaux aux paysages ouverts et aux horizons immenses, prolongations des plateaux de la Meseta qui occupe le centre de l’Espagne. L’ouest de ces plateaux compose un avant-pays plus plat et plus calcaire. La partie méridionale du pays est une combinaison de plateaux calcaires, de plaines et de lagunes.

Cette grande variété de paysages et de climats s’exprime aussi dans la dégustation ; ainsi les vins élaborés le long du littoral sont davantage façonnés par l’Atlantique que ceux de l’intérieur des terres.

Le vignoble portugais s’étendait en 2018 sur 192 000 ha (selon l’Organisation Internationale du Vin). Les vignes sont présentes dans tout le pays, en particulier dans le nord et le centre, à l’exception des plus hautes montagnes, au climat trop rude pour la viticulture. Le Portugal compte près de 300 000 exploitations viticoles dont des structures ultramodernes et de minuscules caves particulières. Le vignoble reste fortement atomisé avec une superficie moyenne des exploitations de 1 ha. Les coopératives représentent environ la moitié de la production. Dans certaines régions, la concentration des metteurs en marché peut être particulièrement marquée. Ainsi pour le Porto, quatre maisons représentent 80% de la production.

L’isolement politique, le repli économique et une moins forte modernisation jusque dans les années 1970-1980 (voir encadré histoire) ont permis au Portugal de préserver la grande diversité de ses cépages. Il existe 250 cépages indigènes officiellement enregistrés auxquels s’ajoutent les cépages internationaux pour l’instant minoritaires. Certains cépages locaux ont pour le moins des noms insolites tel que esgana cão (étrangleur de chien), amor-não-me-deixes (ne me quitte pas, mon amour), carrega burros (chargeur d’âne), rabo de ovelha (queue de mouton), dedo de dama (doigt de dame) ou pé comprido (long pied). Tout comme en Espagne avec qui le Portugal partage certains cépages, vestiges d’une longue histoire commune, les variétés de raisin peuvent porter des noms différents selon leur lieu de production. Ainsi, par exemple, le tempranillo se nomme tinta roriz dans le Douro et aragonês dans l’Alentejo. La plupart des cépages portugais restent peu connus en dehors des frontières de la Péninsule Ibérique, à l’exception du tempranillo, alvarinho (albariño en Espagne), baga et touriga nacional.

Histoire viticole du Portugal en quelques dates

  • 2000 ans avant JC : Début de la viticulture dans la Péninsule Ibérique.
  • VIIIe siècle : Invasion mauresque de la Péninsule Ibérique. La viticulture fut tolérée dans le cadre d’une pratique religieuse chrétienne et d’une consommation de raisins de table.
  • XIIe siècle : Alphonse Ier repoussa les Maures et appela les Cisterciens à venir s’installer. Ces derniers fondèrent une centaine de monastères et d’églises et influencèrent grandement la viticulture portugaise.
  • XVe siècle : Des muscats et de la malvoisie furent introduits dans l’île de Madère.
  • XVIe siècle : Développement du vinho verde. Le vin devint le produit le plus exporté.
  • XVIIe siècle : Les négociants anglais découvrirent le Porto. Les tensions politiques entre la France et l’Angleterre favorisèrent le développement du commerce de vin entre le Portugal et l’Angleterre.
  • XIXe siècle : Le phylloxéra arriva au Portugal par la vallée du Douro.
  • XXe siècle : 1926, coup d’état marquant le début de la dictature d’Antonio de Oliveira Salazar, qui se prolongea jusqu’en 1968. Cette période fut marquée par une forte intervention de l’Etat dans l’organisation de la production viticole, notamment par la création de plus d’une centaine de caves coopératives dans tout le pays. Ces dernières bénéficièrent du droit exclusif d’achat de raisins. Les autres metteurs en marché pouvaient uniquement acheter des vins finis. Pendant toute cette période, une viticulture et une production destinée à la consommation familiale persistèrent. En 1974, la Révolution des œillets rétablit la démocratie. En 1986, le Portugal devint membre de la CEE. Suite à cette adhésion, le monopole d’achat de raisin des coopératives cessa, le vignoble fut fortement restructuré et le système d’appellations portugaises se calqua sur le modèle européen. Les aides européennes permirent de développer le système routier lusitanien, favorisant ainsi les échanges commerciaux des vignobles du Nord avec la capitale portugaise. Les vignobles du Dão et du Douro se tournèrent davantage vers la production de vins rouges secs qualitatifs.

Les régions représentées lors de la dégustation

Vendanges sur les vignes qui ont poussé le long des arbres D. R.

VINHO VERDE

Cette appellation prend naissance dans les vastes étendues, surplombant l’Atlantique, de la pointe Nord-Ouest du Portugal. C’est une terre riche et fertile où le granite domine. Le mode de conduite traditionnel de la vigne se fait sur de hautes treilles, voire en « hautain » grimpant le long des arbres, ce qui permet de libérer de l’espace pour d’autres cultures et de diminuer le risque de maladie par temps chaud. Cette ancienne méthode est remplacée progressivement par des vignes plus basses, alignées et palissées sur fil de fer. Si les vins blancs peu alcoolisés, secs, vifs et légèrement perlants ont fait la réputation de la région, celle-ci élabore également des vins rouges et rosés. La production de vin rouge est davantage localisée dans la partie sud de la région, un peu plus éloignée du littoral, afin de diminuer l’impact de l’influence océanique peu favorable à la maturation des variétés rouges. L’appellation doit son nom (« vin vert ») au fait que ce sont des vins à boire dans leur jeunesse. Les principaux cépages blancs utilisés sont l’alvarinho (albariño en espagnol), arinto, loureiro (loureira en espagnol) et trajadura (treixadura en espagnol). Les cépages principaux rouges sont alvarelhão, amaral, borracal, espadeiro, pedral et vinhão (connu sous la dénomination sousão dans d’autres régions du Portugal et sousón en Galice).

 
Trás-Os-Montes D. R.

TRAS-OS-MONTES

Cette région frontalière de l’Espagne, au nord-est du Portugal, est traversée par un important relief. Son nom signifie d’ailleurs « au-delà des montagnes ». Cette zone montagneuse aux sols principalement schisteux parsemés de granite est d’une grande beauté. Parmi les paysages variés défilent sous vos yeux : des landes, des forêts de résineux, des vallées verdoyantes et escarpées, traversées par des cours d’eau et des collines dominées par l’arboriculture (oliviers, amandiers et fruitiers) ou la viticulture. Malgré la disparition de certaines vielles parcelles, stimulée par les subventions à l’arrachage de l’Europe, et le faible nombre de producteurs-metteurs en bouteilles, le vignoble résiste. Une génération de jeunes producteurs ne cède pas aux sirènes des cépages internationaux et des vins technologiques. Parmi les nombreux cépages utilisés, les plus connus sont, en blanc : côdega de larinho, fernão pires, gouveio, malvasia fina (boal à Madère et torrontés en Galice), rabigato, síria et viosinho. En rouge : bastardo (trousseau français, merenzao espagnol), marufo, tinta roriz (aragonês de l’Alentejo et tempranillo espagnol), touriga franca, touriga nacional et trincadeira.

 
Vallée du Douro D. R.

DOURO

C’est la région la plus connue du Portugal essentiellement pour sa production de porto mais également pour sa viticulture en terrasse, classée patrimoine mondial de l’humanité. La place prise par la notoriété historique des vins fortifiés ne doit cependant pas faire oublier la qualité de la production des vins secs produits dans la région, peut-être une des plus intéressantes et complexes du pays. Pendant longtemps, les vins secs étaient considérés comme le parent pauvre du porto et ils étaient réservés à la consommation locale et familiale. Mais depuis plus d’une dizaine d’années, un intérêt croissant pour ce type de vin se manifeste aussi bien localement qu’à l’étranger. Ce vignoble, localisé sur les terrasses schisteuses et caillouteuses des rives du fleuve Douro, est particulièrement difficile à travailler. Plus des trois quarts des parcelles sont situées en altitude sur des pentes abruptes (30% de déclivité ou plus pour près de la moitié d’entre elles) et cultivées en terrasses. Sur ces terrains escarpés, la vigne domine, parsemée de quelques amandiers. C’est une véritable viticulture héroïque ! Cependant le paysage commence à changer par endroits malgré son statut de site classé par l’UNESCO. Les bulldozers ont fait leur apparition, remodelant les terrasses, remplaçant les murs de pierre par des parois de terre et élargissant les rangées pour faciliter le passage du tracteur. Les modes d’élaboration évoluent également ; ainsi sont apparus des lagares automatisés qui viennent remplacer le foulage aux pieds dans les lagares traditionnels. Le Douro est aussi la région qui possède la plus grande diversité ampélographique. De nombreuses vignes sont encore complantées, les producteurs ne connaissant d’ailleurs pas toujours le nom de l’intégralité des variétés présentes dans leurs parcelles. Deux manières d’élaborer les vins rouges secs coexistent : des assemblages de raisins provenant d’une multitude de variétés issues de parcelles complantées ou un assemblage avec une sélection précise de cépages jugés plus qualitatifs tels que la touriga nacional, la touriga franca, la tinta roriz auxquels peut être ajouté le sousão. Parmi les cépages blancs autorisés on retrouve la malvasia fina, le gouveio, la côdega larinho ou le viosinho. Parmi les rouges, en dehors des variétés citées plus haut, sont présentes la tinta barroca, le tinto cão, le rufete ou le bastardo (trousseau français, merenzao espagnol).

 
Távora Varosa D. R.

TAVORA VAROSA

Cette toute petite région est localisée dans la Vale Varosa, au sud du Douro sur le piémont de la Sierra da Nave, entre les rivières Paiva et Távora. Longtemps enclavée, elle a pu profiter du nouveau réseau routier reliant le nord à la région du Dão, plus au sud. Tout comme dans le proche Douro, ici aussi la topographie des lieux ne facilite pas la vie du vigneron. De nombreuses parcelles étagées en terrasses sont suspendues à des coteaux abrupts aux sols granitiques et schisteux. La fraîcheur caractéristique de cette région peut contrarier la pleine maturité des raisins, mais constitue un atout dans l’élaboration de vins effervescents. Távora Varosa fut d’ailleurs la première région, en 1989, à obtenir l’agrément pour la production de bulles. Malgré une introduction massive des cépages chardonnay et pinot noir, depuis plus d’un siècle, la moitié des vieilles vignes sont encore d’origine locale. En dehors des vins pétillants, la majorité des vins produits sont vendus localement. Parmi les variétés indigènes, la plus importante en surface reste la malvasia fina utilisée aussi bien dans l’élaboration des vins blancs tranquilles que pétillants. On retrouve dans l’encépagement rouge, l’aragonez (aragonês de l’Alentejo, tinta roriz du Douro et tempranillo espagnol), la tinta barroca, la touriga franca ou encore la touriga nacional.

 

Cabeça do Velho (tête de vieux) dans la Serra da Estrela appellation Dão D. R.

DAO ET LAFOES

Située au centre du pays, à mi-distance entre le littoral et l’intérieur, cette région entourée de montagnes bénéficie d’une protection contre les vents froids et la pluie grâce à l’effet de foehn provoqué par le relief.  Traversée par deux rivières le Dão – qui donne son nom à l’une des deux appellations – et la Paiva, elle offre également de beaux paysages alternant des collines en pentes douces, des vallées profondes et des forêts. Le Dão, plus important en surface que le Lafões, jouit aujourd’hui d’une bonne réputation pour ses vins rouges secs. La vigne y est cultivée jusqu’à 800 m d‘altitude sur des sols de schistes décomposés ou de granite. Les viticulteurs sont nombreux avec pour certains des exploitations de très petite taille et les coopératives ont une place prépondérante dans la mise en marché des vins produits. La rivière Vouga constitue une frontière naturelle entre les appellations Dão et Lafões. Cette dernière présente un profil totalement différent de la première : de taille plus réduite avec peu de producteurs et une moindre notoriété. Les sols viticoles sont à dominante granitique. Bien qu’il existe, ici aussi, encore des vignes complantées, l’élaboration des rouges se fait principalement avec la touriga nacional souvent associée à la tinta roriz ou l’alfrocheiro. Pour les blancs,  le cépage encruzado est mis en avant par les producteurs et bénéficie d’une bonne popularité auprès des consommateurs.

 

Vignoble dans la région de Lisbonne D. R.

LISBOA

Connue sous le nom d’Estremadura jusqu’au millésime 2008, cette région méridionale tournée vers l’Atlantique possède le plus grand nombre d’appellations (9), dont une est consacrée à l’eau-de-vie. Par le passé, elle était surtout connue pour sa production intensive de vins médiocres. Dans les années 1980-1990, la région a amorcé une véritable restructuration du vignoble grâce à la plantation de cépages dits « nobles », portugais et internationaux au détriment des cépages locaux. Malgré l’augmentation du nombre de caves particulières indépendantes, les coopératives continuent de jouer un rôle important dans la commercialisation de la production. La diversité ampélographique, géologique et climatique permet d’élaborer une large gamme de vins :  tranquilles blancs et rouges, du plus léger au plus tannique, effervescents ou vins doux naturels. En revanche, l’urbanisation croissante à l’ouest de Lisbonne a des conséquences funestes sur les deux appellations voisines : Colares et Carcavelos. L’accès par voies rapides aux belles plages, aux villes de banlieue au patrimoine architectural historique et aux maisons de caractère a fait grimper en flèche le prix des terrains le long de la côte sud de la région. Nombreux sont ceux qui transforment les terres agricoles en terrains à bâtir. L’encépagement de la région fait cohabiter les variétés locales avec celles d’autres régions portugaises et étrangères. Ainsi y poussent, parmi d’autres, les raisins rouges de ramisco, tinta miúda, mais aussi castelão, touriga nacional, cabernet sauvignon et syrah. Les cépages blancs arinto, rabo de ovehla côtoient fernão pires (connu sous la dénomination Maria Gomes dans la région de bairrada) et chardonnay.

 

Plage de l'Algarve D. R.

ALGARVE

Située à l’extrême sud du Portugal, cette région est la plus touristique du pays. Elle est réputée pour ses stations balnéaires et ses quelques villages pittoresques ayant résisté à la vague du tourisme de masse. Pendant des décennies, les terrains de golf et les complexes hôteliers mais également les arbres fruitiers (avocatiers et citronniers) ont grignoté les terres viticoles. Le territoire a été dominé pendant longtemps  par les coopératives, il n’en subsiste aujourd’hui qu’une seule. Comme à Lisbonne, la région a également misé sur les cépages internationaux pour reconstituer une partie de son vignoble, planté plus à l’intérieur des terres. L’essentiel de la production est commercialisé auprès des touristes et dans une moindre mesure à l’export. L’encépagement combine raisins portugais et étrangers, comme par exemple en blanc l’arinto, siria et malvasia fina et en rouge negra mole, castelão, syrah et cabernet sauvignon.

Le Portugal en quelques chiffres

  • Le Portugal compte 31 appellations d’origine contrôlée et 15 appellations régionales.
  • Neuvième pays mondial et quatrième européen en surface avec 190 322 ha de vigne (surfaces déclarées auprès de l’Instituto da Vinha e do Vinho).
  • Il représente 2,57% de la surface viticole mondiale.
  • Douzième producteur mondial et cinquième européen en volume avec 6 100 000 hl.
  • Neuvième pays exportateur mondial en volume comme en valeur avec 3 000 000 hl pour 804 000 000 €.
  • Les principaux pays clients sont (en volume, par ordre décroissant) : la France, l’Allemagne, l’Angola, le Royaume-Uni et les États-Unis. 
  • Les principaux pays clients sont (en valeur, par ordre décroissant) : la France, les États-Unis, le Royaume-Uni, le Brésil et la Belgique.
  • En volume exporté, les vins fortifiés représentent 22% et les vins non fortifiés 78%.  
  • En valeur exportée, les vins fortifiés représentent 41% et les vins non fortifiés 59%.
  • Les vins blancs (en diminution) représentent 30% de la production et les rouges avoisinent les 70%.
  • Les cinq cépages les plus plantés sont par ordre décroissant sont les suivants : tinta roriz/aragonês/aragonez/tempranillo 20 884 ha soit 11%, touriga franca 13 445 ha soit 7%, touriga nacional 13 032 ha soit 7%, fernão pires/maria gomes 12 052 ha soit 6% et castelão/joão de santerém/periquita 9 130 ha soit 5% des surfaces totales du vignoble portugais.

Sources : OIV (2018) et Comtrade (2018) et Instituto da Vinha e do Vinho (statistiques de 2018)

Les Domaines

Lors de la dégustation, nous avons pu découvrir une partie de la production de treize domaines. Nous vous proposons un court « portrait » des trois qui ont obtenu les meilleures appréciations.

 

Antonio Madeira dans ses vignes Tiago Barbosa

ANTONIO MADEIRA

Antonio Madeira grandi à Paris, mais il est retourné chaque été dans le village de ses grands-parents dans le Dão. Amoureux de la région et de son patrimoine viticole, il a décidé, en 2010, de partir à la recherche de parcelles de vignes afin d’élaborer son vin. Ses prospections lui ont permis de se rendre compte de la lente mais inexorable disparition des vieilles vignes de cépages autochtones, trop difficiles à travailler et à mécaniser. Il est pourtant convaincu que c’est sur le piémont de la Serra da Estrela, sur ces hautes terres escarpées, que l’on peut élaborer les vins de la région les plus frais, les plus fins, les plus minéraux mais austères, à l’image des paysages qui entourent les vignes. Il a élaboré son premier millésime en 2011 à partir d’une vigne laissée à l’abandon et récupérée en 2010. Au fil des ans, il a enrichit son domaine d’une dizaine de petites parcelles, toutes en complantation avec des vignes de 50 à 120 ans, situées à 500 mètres d’altitude. Sa philosophie en viticulture ou dans le chai est d’être le moins intrusif possible et le plus respectueux de la nature, de ne pas utiliser de pesticides ni d’herbicides. Il travaille avec l’aide d’un cheval ses parcelles conduites en rangs étroits. À la cave, les vinifications douces et les extractions minimales sont privilégiées. Antonio Madeira élabore des jus sincères, avec beaucoup de caractère mais aussi de la finesse et de l’élégance. Ses vins sont profondément ancrés dans leur terroir, sans chercher à masquer l’austérité des lieux. Un véritable voyage gustatif sur ces rudes et belles terres granitiques.

 
Ridrigo Filipe Tiago Barbosa

QUINTA DO PACO (HUMUS)

La Quinta Do Paço est un domaine familial, acheté dans les années 1960 par le grand-père de Rodrigo Filipe. Cette ancienne ferme du XVIe siècle, entourée de 20 hectares dont la moitié consacrée à la viticulture, se trouve à une heure de route du nord de Lisbonne, dans la commune de Caldas da Rainha. Au début des années 1990, dans l’optique d’une consommation familiale, le père de Rodrigo planta les vignes sur les coteaux pentus de la propriété, entourés d’eucalyptus. Après avoir travaillé comme ingénieur civil, Rodrigo décida de s’orienter vers le vin, en travaillant les parcelles du domaine familial. Il débuta au début des années 2000, sans aucune formation, simplement en lisant les livres de son père et en se laissant guider par son intuition. Le domaine est certifié en bio depuis 2007. Les cépages plantés sont majoritairement autochtones avec un peu de syrah et de sauvignon blanc. C’est en 2009 que Rodrigo élabora son premier Humus en vin du Portugal. Ce nom lui fut suggéré par son épouse comme symbole d’un rapprochement de la nature et du terroir et un retour à la terre familiale. Les vins de Rodrigo Filipe possèdent toujours une belle acidité, en plus d’être savoureux et salivants.

 

Mateus Nicolau de Almeida D. R.

ADEGA DO SAVEL

Mateus Nicolau de Almeida fait partie d’une famille de producteurs établie depuis cinq générations dans le Douro. Au fil du temps, les Almeida ont construit une solide réputation de vinificateurs et ils continuent à œuvrer pour le rayonnement de la région. Le grand-père de Mateus a ouvert la voie pour l’élaboration de vins secs de haut niveau dans le Douro grâce à la qualité et la renommée de son Barca Velha. Le père de Mateus a créé, en 1994, la Quinta do Monte Xisto, dans le Douro Supérieur. Bien qu’il continue à travailler dans le domaine paternel, Mateus a décidé de se lancer dans un projet personnel. Aidé par sa femme, Teresa Ameztoi, vigneronne espagnole ils fondent l’Adega do Sável qui porte le nom du poisson (l’alose) qui autrefois migrait de l’Atlantique vers le Douro, un voyage rendu aujourd’hui impossible par la construction de barrages. Il décline sa gamme en trois « marques » : Trans Douro Express qui reflète les différents microclimats présents dans le Douro, Eremitas, une production exclusive de vins blancs parcellaires et Curral Teles qui regroupent différentes expérimentations de vinification.

Le système d’appellation portugaise

Le Portugal possède un système d’appellation calqué sur les normes européennes. Les vins portugais sont classés en 3 catégories : DOC ou DOP (Denominaçao de Origem Controlada/Protegida), IGP (Vinho Regional) et Vin du Portugal (Vinho).

Dégustation

La dégustation s’est déroulée au mois de novembre 2019. Nous avons goûté dix-neuf cuvées. L’ordre des vins a été choisi par Tiago Barbosa en fonction de la situation géographique des domaines, en partant du nord vers le sud.

 

REGION DU VINHO VERDE

 

BLANC

 

Tiago Teles

Vinho

Raiz Macerado 2017

14/20

100% loureiro sur des sols granitiques. Macération et fermentation de deux mois en cuve en ciment.

La puissance et la richesse olfactives évoquent la macération avec une présence marquée de fruits jaunes bien mûrs comme la mangue, la poire, le coing, la bergamote et le pamplemousse. Puis, le nez évolue vers le floral, les épices et le menthol. La matière savoureuse et légèrement austère se termine avec la fraîcheur de beaux amers élégants aux saveurs de peaux d’orange. La texture prégnante confère à ce vin beaucoup de caractère et une vraie sensation tactile.

 

REGION DE TRAS-OS-MONTES

 

BLANC

 

Menina d'Uva

Vinho

Liquen 2018

14/20

Vieilles vignes complantées sur des sols de schiste. Fermentation et élevage en cuve inox.

Pureté et éclat pour un nez gourmand d’amande, de dragée et de nougat. La bouche équilibrée est fraîche, rectiligne et directe. La finale est saline, tendue et de belle allonge. Un vin doté d’une séduisante énergie.

 

REGION DU DOURO

 

BLANC

 

Pedro Frey

Vinho

Graniteo 2016

14,5/20

Vieilles vignes complantées sur des sols granitiques.

Le nez légèrement réduit évolue vers des notes fumées et végétales d’herbes de montagne et médicinales. La matière évoque les fruits et le miel. Elle est ample et solide mais garde de l’acidité. Jolie rétro-olfaction sur l’anis et le poivre blanc. La longue finale est nette avec une sensation de minéralité. Un vin au charme voluptueux et dynamique. 

 

Mateus Nicolau de Almeida

DOC Douro

Eremitas Amon de kelia 2017

16/20

Vieilles vignes complantées sur des sols de schiste. Pigeage pendant 3 heures en grappes entières dans un « calcatórium », fermentation et élevage d’un an en cuve en béton.

Puissance et fraîcheur s’expriment au nez via les amandes, le miel, les agrumes et des touches de fenouil et de fumée. Construite avec un jus dense et mûr, la bouche volumineuse est soutenue par une acidité incisive, profonde et longue. Sensation tannique et grande longueur avec des amertumes nobles sur l’orange confite. Une pointe de sucre résiduel. Un vin de feu, à la nature explosive mais contenu, surprenant et original.

 

ROUGE

 

Mateus Nicolau de Almeida

DOC Douro

Trans Douro Express Cima Corgo 2017

14,5/20

Touriga franca, touriga nacional, sousão, tinta amarela et bastardo plantés sur des sols de schiste. Pigeage pendant trois heures des grappes entières dans un « calcatórium », fermentation et élevage de huit mois en cuve en béton.

Le nez est concentré, dense et profond avec des arômes de fruits noirs (cassis, mûre et pruneau), des notes végétales et graphitées. Malgré la rugosité du vin et la présence de tannins un peu saillants et serrés, la matière est pleine, enveloppante, juteuse et charnue.

 

TAVORA VAROSA

 

EFFERVESCENT ROUGE

 

Manuel Valente

Vinho

Protótipo vinho espumante 2018

14,5/20

Assemblage de parcelles de vieilles vignes complantées de touriga nacional et de tinta roriz, plantées sur des sols de schiste et de granite. Méthode ancestrale avec fermentation en cuve en inox.

Joli nez frais et acidulé de fruits rouges écrasés (framboise, fraise des bois et groseille) et de notes herbacées. Les bulles sont fines. En bouche, la sensation d’une infusion de fruits rouges avec un jus gourmand, frais et digeste. Un vin au caractère simple, joyeux et friand.

 

LAFOES

 

BLANC

 

Quinta da Comenda

DOP Lafões biológico

Comenda de Ansemil vinho branco 2017

13/20

Assemblage de arinto, cercial et dona branca sur des sols de schiste et de granite. Les différents cépages effectuent leur fermentation et leur élevage séparément en cuve en inox avant assemblage.

La présence d’une forte réduction au nez a gêné plusieurs dégustateurs. Notes de noisette fraîche, d’herbes et de plantes. Malgré une belle matière large et expressive, plusieurs d’entre-nous ont évoqué un déséquilibre en finale. Un vin encore un peu abrupt.

 

DAO

 

BLANC

 

Quinta da Boavista

Vinho

Rufia 2018

15/20

Assemblage de siria, bical, cerceal, encruzado et malvasia provenant de sols argilo-calcaires. Fermentation de sept jours en lagar, en cuve en inox fermée, suivie d’un élevage de neuf mois en cuve en inox.

Encore sur la réserve, le nez présente néanmoins une aromatique délicate avec des notes florales (oranger, aubépine et sureau) et végétales nobles. Sensation également de macération. Bien que le jus soit dense, large et puissant, le vin sait garder de l’élégance et de la vitalité. La bouche est expressive avec des arômes de citron mûr et une finale sur l’amande amère. Un beau vin équilibré à la sensation tactile à la fois solide, souple et caressante.

 

António Madeira

DOP Dão Sub-região Serra da Estrela

Vinhas Velhas 2017

15,5/20

Vieilles vignes complantées sur des sols granitiques. Fermentation et élevage pendant un an pour 1/3 dans des cuves en inox et pour 2/3 dans des fûts de plusieurs vins de 500/600 l. Après l’assemblage, les vins restent un an en cuve en inox.

Original et complexe, le nez libre et séducteur offre une richesse aromatique composée de fruits jaunes (mirabelle, pêche et poire), de zeste d’oranges confits, d’épices (cumin et curry), de miel et de floral intense. La matière est pleine, riche et volumineuse mais tempérée par une acidité saline qui apporte une étonnante longueur. « Un éclat minéral avec une puissance folle », souligne un dégustateur. Un très beau vin qui s’affinera avec le temps.

 

ROUGE

 

Quinta da Boavista

Vinho

Rufia 2018

13,5/20

Assemblage de jean, touriga nacional, rufete plantés sur des sols argilo-calcaires. Fermentation de huit à dix jours dans des lagar en cuve en inox. Élevage de neuf mois en cuve en inox, puis en fûts de 400 l de plusieurs vins pendant une durée supplémentaire de neuf mois.

Petite réduction qui laisse la place à des notes fumées, de fruits rouges et noirs à noyau et de réglisse. La bouche, tannique, est savoureuse et juteuse mais avec une matière un peu végétale et stricte. Un vin terrien et rustique de casse-croûte.

 

António Madeira

DOP Dão Sub-região Serra da Estrela

Vinhas Velhas 2016

15/20 (Note isolée à 13)

Vieilles vignes complantées sur des sols granitiques.

Le nez est profond, dense et complexe avec des arômes de raisins mûrs écrasés et de végétal mûr (menthol et eucalyptus) qui laissent ensuite la place à des notes fumées, de tabac blond et de violette. Belle matière concentrée et massive mais qui reste sapide et salivante. La bouche est d’une incroyable expressivité avec une sensation forte de terroir et une rétro-olfaction graphitée. Grande longueur. La fougue de ce vin, accentuée par la présence de tannins un peu sauvages, lui confère une forme de violence qui a pu gêner une minorité d’entre nous. Un vin d’une grande force, encore indompté, que le temps apaisera.

 

REGION DE LISBONNE

 

BLANC

 

Quinta da Serradinha

Vinho

Vinho Branco Encruzado e Arinto 2017

15/20

85% encruzado et 15% arinto plantés sur des sols argilo-calcaires. Fermentation et élevage sur lies dans des fûts de plusieurs vins.

Pureté et simplicité au nez avec des arômes fermentaires sur la poire, les zestes de citron et le végétal. Digeste, la matière longiligne et rectiligne est construite sur une acidité ciselée et une présence presque tannique. La finale est nerveuse avec une sensation crayeuse. « Un vin qui fait penser à une falaise d’albâtre », souligne un dégustateur.

 

Vale da Capucha

DOC Torres Vedra

Vinho Branco 2016

14/20

85% fernão pires et 15% arinto plantés sur des sols argilo-calcaires.

Délicat et floral, le nez devient plus exubérant avec une touche gourmande presque muscatée, de fruit de la passion et de dragée. La bouche est à la fois charmeuse, suave et fringante avec une belle amertume. Un vin construit davantage sur la tendresse que sur le dynamisme.

 

Humus

Vinho

Flui 2017

16/20

Vieilles vignes complantées sur des sols argilo-calcaires. Fermentation et élevage sur lies dans des fûts de plusieurs vins.

Une petite réduction, au départ, fait place à un nez assez libre dans un registre élégant et raffiné. L’aromatique dévoile des notes florales, de fruits jaunes (pêche et mirabelle), de calisson et de poudre de riz. La matière est épurée, délicate et tendue avec une belle minéralité et une sensation d’eau de roche. Un vin d’une grande précision et d’une remarquable finesse.

 

ROUGE

 

Quinta da Serradinha

DOC Encostas d’Aire

Baga 2013

14,5/20

100% baga planté sur des sols argilo-calcaires. Fermentation en foudre très anciens puis élevage en fûts de plusieurs vins.

Le nez sombre et profond s’exprime avec élégance dans un registre floral (pivoine, sureau) et végétal (herbes médicinales, laurier, sous-bois). La matière est croquante, juteuse et fraîche avec une pointe d’austérité et de végétal. Les tanins sont fins mais saillants. Sensation de légère sous-maturité mais qui lui va bien. Un vin très digeste et attrayant.

 

 REGION DE L'ALGARVE BLANC

 

Morgado do Quintão

Vinho Régional Algarve

Branco 2018

13,5/20

 

100% crato branco planté sur des sols argilo-calcaires.

Présence d’arômes levuriens et fermentaires au nez puis d’une touche exotique avec de l’ananas. Jus avec de la gourmandise, de la fraîcheur et de la salinité. Un vin simple, facile et sympathique.

 

ROSE

 

Morgado do Quintão

Vinho Régional Algarve

Clarete / Negra Mole 2018

13/20

80% tinta negra-mole 20% crato branco plantés sur des sols argilo-calcaires.

Joyeusement friand, le nez laisse transparaître la fraise et la griotte avec une pointe herbacée et fumée. La bouche est légère, facile et sur la gourmandise. Un vin abordable et évident.

 

Nous avons également goûté les deux vins suivants, provenant de la région du Douro, qui malheureusement étaient bouchonnés :

Palhete 2016 de Pedro Frey et Indicio 2017 Marco Lourenço

 

 

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