Vinification
LE BOUCHON EN LIÈGE : entre artisanat et industrie
Extraits de l’article paru dans le numéro 152
Les autres bouchons n’ont pas encore réussi à égaler totalement les aptitudes du liège pour l’obturation et la conservation des bouteilles de vin. Les consommateurs, surtout européens, considèrent l’emploi de la capsule à vis ou du bouchon en plastique comme le signe d’une bouteille de moindre qualité. De plus, contrairement aux autres obturateurs, les bouchons en liège sont élaborés à partir d’un matériel végétal naturel, écologique et entièrement recyclable. En outre, les forêts de chênes-lièges sont un fantastique éco système riche en biodiversité.
La Méditerranée : le berceau du liège
Issu de l’écorce du chêne-liège (Quercus suber L.), le liège permet de nombreuses utilisations grâce à sa légèreté, son étan chéité, sa faible perméabilité aux gaz, sa compressibilité, son élasticité, sa capacité à l’isolation thermique et acoustique, sa grande résistance à la friction et sa qua si-imputrescibilité. L’arbre dont il est issu est essentiellement présent dans la région méditerranéenne et plus particulièrement dans la péninsule ibérique qui représente à elle seule 56 % des surfaces et plus de 80 % de la production mondiale de liège. Les autres pays producteurs sont dans l’ordre décroissant : le Maroc, l’Algérie, l’Italie, la France et la Tunisie. L’ensemble des forêts de chêne-liège s’étend sur 2 265 000 ha. La répartition géographique de ce chêne est tributaire de ses exigences écologiques. Il a besoin notamment d’une forte lumi nosité et apprécie les climats chauds ou tempérés aux hivers doux, car il craint les fortes gelées. Selon les régions, il a besoin d’une pluviométrie annuelle allant de 500 à 1200 millimètres par an et d’une humidité atmosphérique d’au moins 60 %. Malgré ces contraintes il supporte assez bien la sé cheresse du climat méditerranéen si le sol présente une certaine humidité. Il ne tolère pas les sols calcaires et s’épanouit plutôt sur les sols à substrats siliceux (schistes, grès, granite ou gneiss). Les régions de la Méditerranée occidentale et de la façade atlantique bénéficiant des influences ma ritimes et océaniques lui offrent les condi tions idéales à sa croissance.
À l’origine était la forêt
On appelle “suberaies” les forêts de chênes-lièges, ce nom vient du latin suber qui veut dire liège. Il s’agit d’un écosys tème particulièrement varié dans lequel l’homme a non seulement exploité le liège mais bénéficié également de la richesse de son sous-bois, propice aux activités syl vopastorales, à l’apiculture, à la cueillette des champignons, de fruits ou de plantes et à la chasse. Les pâturages et les glands servent notamment à l’alimentation des porcs ibériques pour l’élaboration du jam bon bellota. Les suberaies fournissent à de nombreuses espèces animales des empla cements servant de couverture en cas de fuite, de nidifications et d’alimentation. Outre la présence d’une faune diversifiée, les zones locales de pâturage abritent plus d’une centaine d’espèces végétales.
Comme n’importe quelle forêt, les suberaies jouent aussi un rôle important dans la régulation hydrologique et inter viennent dans le maintien du cycle de l’eau, évitant ainsi les phénomènes d’érosion et de désertification. Ce service écologique est d’autant plus précieux sous le climat mé diterranéen où l’eau se raréfie. La culture du liège contribue aussi à la séquestration du dioxyde de carbone et à la diminution de notre empreinte écologique. Sous le climat méditerranéen, les in cendies sont fréquents mais grâce à son écorce épaisse peu combustible et isolante, le chêne-liège a une bonne résistance au feu. Seule la surface extérieure brûle pro tégeant ainsi l’intérieur du tronc contenant les tissus conducteurs de sève et la couche “mère” génératrice du liège. Cette capacité permet à cet arbre de régénérer totalement sa couronne végétale en moins de deux ans.