HVE : Haute Valeur …d’Enrichissement ?
Peu connue du grand public, la certification Haute Valeur Environnementale (HVE) a été propulsée sur le devant de la scène médiatique en septembre 2020, à la suite de la publication d’un communiqué de presse de l’Association Alerte aux Toxiques. Ce texte dénonçait la présence de résidus de pesticides dans des bouteilles de vins certifiés HVE en se fondant sur une analyse effectuée par un laboratoire reconnu. La presse et les réseaux sociaux s’emparèrent du sujet et accusèrent le label de tromper le consommateur et de pratiquer le “greenwashing” (blanchissement écologique).
L’idée initiale du label HVE était bonne et constituait un réel progrès puisqu’il s’agissait d’amener l’agriculture française à un changement progressif vers des pratiques moins dépendantes des pesticides chimiques et des engrais azotés. Cet itinéraire vertueux pouvait même conduire jusqu’à l’agriculture biologique. Mais sa mise en place a été guidée par la volonté d’inclure le plus grand nombre. Cet œcuménisme “médiocrisant” a entraîné une succession de baisses du niveau d’exigence dans l’obtention de la certification.
Aucune interdiction d’utilisation de produits phytosanitaires, y compris pour les molécules CMR (Cancérigènes, Mutagènes et Reprotoxiques) n’a été incluse dans les conditions d’homologation. D’ailleurs de nombreux professionnels certifiés HVE déplorent ce laxisme et sont favorables à une certification plus restrictive. On peut également se poser la question de l’intérêt de garder les deux premiers des trois niveaux de la HVE car ils sont peu discriminants voire inutiles : il suffit de respecter la loi européenne en termes d’environnement pour le niveau 1 ou de travailler en agriculture “raisonnée” pour atteindre le niveau 2.
En outre, le troisième et dernier échelon permettant d’accéder à la certification peut être gravi par deux voies d’exigence très inégales. La voie “A” requiert de satisfaire à une série de critères concernant quatre grandes thématiques : la biodiversité, la stratégie phytosanitaire, la gestion de la fertilisation et de l’irrigation. Mais dans le barème actuel l’agriculteur n’a besoin d’atteindre que 40 % du maximum des points attribuables pour valider l’ensemble. La voie “B” se contente, elle, de deux indicateurs : la surface des structures agroécologiques (bandes enherbées, haies, etc.) doit représenter plus de 10 % de la surface agricole utilisable et le pourcentage du chiffre d’affaires consacré aux achats d’intrants doit être inférieur à 30 % du chiffre d’affaires total.
Si la voie “A” n’est pas sans défaut et devrait être plus exigeante, elle implique néanmoins un réel effort de l’agriculteur. En revanche, la voie “B” est la cible de toutes les critiques, de la part des détracteurs du label HVE mais également de ses défenseurs, voire de… ses créateurs. Les associations HVE Développement et France Nature Environnement – à l’origine du projet – ont en effet demandé à plusieurs reprises la révision de cette seconde voie, jugée trop permissive pour les productions à forte valeur ajoutée comme le vin, et l’installation de garde-fous dans les règles de calcul des intrants.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si plus de 80 % des exploitations certifiées HVE font partie du secteur viticole et que 39 % d’entre elles se situent dans les vignobles de Bordeaux et de Champagne. Malgré les demandes répétées de HVE Développement pour une plus grande transparence du mode d’accès à la certification, le ministère de l’Agriculture refuse de communiquer la proportion de certifiés “A” et “B”, entretenant ainsi la suspicion du “blanchissement écologique” et encourageant une HVE plus quantitative que qualitative.
On peut comprendre le désir d’attirer toutes les bonnes volontés pour sortir du schéma mortifère de l’agriculture chimiquement intensive en proposant un modèle de transition écologique.
Mais ce modèle doit guider vers un réel changement et non maintenir le statu quo par des manipulations comptables. La certification HVE ressemble malheureusement à un rendez-vous manqué, faute de transparence et d’une plus grande exigence dans ses ambitions écologiques. En revanche, un des principaux acteurs économiques accueille avec enthousiasme ce récent label : la grande distribution. Elle y voit l’opportunité de pallier la faiblesse des volumes de l’agriculture biologique face à la forte demande des consommateurs, tout en augmentant ses marges sur des produits non “bio”. Si la HVE n’est pas forcément à Haute Valeur Environnementale, elle semble ainsi pouvoir se doubler pour la grande distribution d’une Haute Valeur… d’Enrichissement. Cherchez l’erreur…
Sonia Lopez Calleja