Portraits

Antoine Kreydenweiss, obstinément terroir

Domaine Kreydenweiss
Domaine Kreydenweiss
ALSACE > BAS-RHIN > BARR-MITTELBERGHEIM-ANDLAU

Fils de Marc Kreydenweiss, qui a quitté son domaine alsacien pour les Costières-de-Nîmes, Antoine est la 13e génération d’une vieille famille d’Andlau. Arrivé soudainement seul à la tête du domaine depuis quelques années, il produit des vins qui nous ont frappés par leur personnalité engagée.

Succéder à un père reconnu n’est jamais chose facile. Antoine est un fonceur et dès la reprise du domaine à partir de 2007, à seulement 26 ans, il s’est jeté corps et âme dans l’aventure. Lorsque son père a vu l’énergie que le jeune fils mettait dans la vie du domaine, il lui a d’abord prodigué quelques conseils – « il m’a dit de me calmer » – puis lui a rapidement laissé les rênes : « il m’a dit c’est bon, fais-toi plaisir », se souvient Antoine en souriant.

La passion est immédiatement palpable chez ce trentenaire très concentré lorsqu’il parle de son métier. Elle devient presque physique lorsqu’il prend un morceau de schiste dans son Grand Cru Kastelberg pour expliquer ce qu’apporte le travail du sol, ou lorsqu’il évoque les moments passés à travailler ses vignes du Wiebelsberg avec son cheval Sam.

En quelques années seulement, Antoine a mis en place sa vision du vin, toujours soucieux de respecter ce qu’on lui avait confié, mais sans se laisser écraser par cette responsabilité. Il accorde une grande importance à la maturité, il veille à ce qu’elle soit la plus équilibrée possible, alors que son père avait parfois tendance à la favoriser dans les Grands Crus. En cave ensuite, ouvert sur les expériences de ses collègues, il a allongé les pressurages (8 à 12 heures) comme lui conseillait son ami Lucas Rieffel (cf. R&B no 103). Très sensible au soufre, il en a diminué les doses, inspiré par les échanges qu’il a eus avec Patrick Meyer (cf. R&B no 101), un autre de ses proches. Les discussions avec Jean-Pierre Riestch, vigneron qui l’accompagne dans ses courses à pied, l’ont aidé à progresser dans l’allongement des élevages (jusqu’à 2 ans). « L’idée c’est de faire des vins vivants qu’on touche très peu, qui puissent se lâcher un peu, exprimer leur terroir… on a vraiment gagné en texture avec des élevages longs sur lies assez épaisses. Je cherche à faire des vins représentatifs d’un terroir, mais loin d’être parfaits parce que je trouve que c’est là que ça devient ennuyeux… Je suis un “anti” de ce qu’on appelle le style alsacien, juste sur l’aromatique du cépage. Je trouve ça dégradant… »

Pour autant, il a conscience de faire des vins exigeants dont certains demandent de l’air pour se mettre en place. « La façon dont je travaille en cave, sans soufre et longtemps, ça fait des vins qui ont une aromatique qui évolue terriblement… Souvent j’ai des nez qui sont très lunatiques, des fois on se fait super plaisir et d’autres fois il faut du temps… Moi ce que j’adore, c’est goûter les vins en bouche. » Concernant son Riesling Grand Cru Kastelberg, il déclare : « C’est un vin dont on comprend l’ampleur quand on a bu une bouteille. La note tannique, la salinité, elle apparaît longtemps après, une fois en bouche ». Pour avoir pu le goûter, surtout le boire, dans des contextes différents à plusieurs reprises, la profondeur et la densité que le vin prend avec le temps est effectivement impressionnante. C’est probablement un des très grands vins de terroir de l’Alsace d’aujourd’hui. Il est fait par un vigneron d’à peine 30 ans juste au début de son parcours…

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