Viticulture
La complantation, retour vers le futur ?
Extraits de l’article paru dans le numéro 157
La douce chaleur de cette belle journée de printemps est trompeuse : la vigne commence à peine à débouré. Dans sa parcelle de Dambach-la-Ville (Bas-Rhin), il faut tout l’œil expert de Florian Beck-Hartweg pour nous mettre sur la piste de son originalité. « Ici, c’est un pied de sylvaner, et ici, sûrement un pinot blanc », nous affirme-t-il. Ce n’est pas un hasard si notre voyage débute en Alsace. Jean-Michel Deiss, vigneron historique de la région, y a redonné ses lettres de noblesse à la complanta tion, comme un contrepied à la seule appellation française où le cépage règne en maître sur l’étiquette.
La complantation peut recouvrir plusieurs pratiques en viticulture : remplacer les manquants par le même cépage que le reste de la parcelle, renou veler le matériel végétal avec un mélange de variétés, ou replanter intégralement une vigne avec un assemblage de cépages différents. Nous ne traiterons que les usages concernant la plantation de plu sieurs cépages.
Il faut reconnaître que l’ap proche a plutôt de quoi sur prendre. L’importance du cépage apparaît dans toute formation viticole, œnologique ou à la dé gustation. Chaque variété a des besoins spécifiques à la vigne et dans la cave, et possède des carac téristiques organoleptiques bien définies que l’on apprend à iden tifier à l’aveugle. Et dans les régions, comme le Bordelais, qui élaborent des vins d’assemblage, ceux-ci sont réalisés lors de la vinification, voire après l’élevage. Pourquoi donc vouloir revenir à un assemblage à la vigne ?
Un retour aux sources
L’omniprésence des plantations “monocépage” est récente dans l’histoire du vignoble. À l’époque pré-phylloxérique, le renouvelle ment des plants se faisait par multiplication végéta tive (marcottage) en fonction des pieds disponibles, ou sexuée (à partir des pépins). Néanmoins comme le précise Pierre Sanchez de la société Duo Œnologie : « Il ne faut pas croire non plus que les anciens étaient complètement stupides et ne savaient pas ce qu’ils plantaient ». Leur culture paysanne les poussait à intégrer une plus grande diversité dans leurs vignes.
D’après Antoine Clavel, vigneron dans le Languedoc, « historiquement, la complantation est menée pour maintenir un potentiel de production stable et durable. » Elle permettait de pallier la fragilité de certains cépages à la coulure ou au gel. Après le phylloxera, cette logique de complantation s’est maintenue. Antoine explique : « Le paysan-viticulteur renouvelait ses souches manquantes par un ra ciné (porte-greffe) qu’il greffait par la suite avec les bois d’une variété identifiée pour sa rusticité ou les bois d’une variété à laquelle il avait facilement accès : ainsi, chaque parcelle vieillissait faussement puisqu’elle était éternellement rajeunie de ses man quants, et la variété originelle changeait peu à peu en fonction des opportunités de greffage ». Autre avantage : la complantation offrait la possibilité d’observer simplement sur une même parcelle l’adé quation de chaque cépage au terroir dans lequel il était planté.